RGPD : GOOGLE devra payer 50 millions d’euros d’amende
Cette fois, ça y est. La première amende significative infligée par la CNIL et concernant la non-conformité au RGPD vient de tomber. Et c’est GOOGLE qui en est la cible. Le géant américain devra débourser 50 millions d’euros d’amende pour manque de transparence, information insatisfaisante et absence de consentement valable pour la personnalisation de la publicité. Je vais essayer de vous expliquer pourquoi. Mais c’est sans doute aussi pour vous l’opportunité de vous assurer que vous n’êtes pas les prochains sur la liste.
Dès le 25 Mai 2018, les associations « None Of Your Business » (« NOYB ») et « La Quadrature Du Net » (« LQDN ») déposaient des plaintes collectives contre GOOGLE, sur la base du RGPD, auprès de la CNIL. La plainte de LQDN était mandatée par près de 10.000 personnes. Dans ces deux plaintes contre le géant américain, les associations reprochaient à GOOGLE de ne pas disposer d’une base juridique valable pour traiter les données personnelles des utilisateurs de ses services, notamment à des fins de personnalisation de la publicité.
De quoi s’agit-il exactement?
Trois manquements ont été identifiés par la CNIL pour justifier cette amende :
- un manquement aux obligations de transparence. Les informations fournies par Google ne sont « pas aisément accessibles pour les utilisateurs »
- une information insatisfaisante, qui n’est pas « toujours claire et compréhensible »
- et une absence de consentement valable pour la personnalisation de la publicité.
1. Manquement aux obligations de transparence
« Des informations essentielles, telles que les finalités pour lesquelles les données sont traitées, la durée de conservation des données ou les catégories de données utilisées pour la personnalisation de la publicité, sont excessivement disséminées dans plusieurs documents, qui comportent des boutons et liens qu’il est nécessaire d’activer pour prendre connaissance d’informations complémentaires. L’information pertinente n’est accessible qu’après plusieurs étapes, impliquant parfois jusqu’à cinq ou six actions. C’est par exemple le cas si un utilisateur veut disposer d’informations complètes sur la collecte de ses informations pour la personnalisation des publicités, ou pour sa géolocalisation. »
Concernant l’accès à l’information, la CNIL regrette que des « informations essentielles […] sont excessivement disséminées dans plusieurs documents ». Il faut que l’internaute navigue entre plusieurs boutons et liens pour accéder aux indications « pertinentes ». L’Autorité de Contrôle a ainsi recensé cinq ou six actions préalables à effectuer avant d’arriver aux explications adéquates. C’est beaucoup trop.
2. Information non satisfaisante
Par ailleurs, à propos de la qualité de l’information, les traitements réalisés par Google « sont décrits de façon trop générique et vague », tout comme les données concernées. En clair, l’internaute « n’est pas en mesure de comprendre l’ampleur des traitements », alors que ceux-ci « sont particulièrement massifs et intrusifs, en raison du nombre de services proposés, de la quantité et de la nature des données traitées et combinées. »
« Les utilisateurs ne sont pas en mesure de comprendre l’ampleur des traitements mis en place par GOOGLE. Or ces traitements sont particulièrement massifs et intrusifs, en raison du nombre de services proposés (une vingtaine), de la quantité et de la nature des données traitées et combinées. »
La CNIL a constaté en particulier que les finalités sont insuffisamment énoncées. Elles sont décrites de façon trop générique et vague, tout comme les données traitées pour ces différentes finalités. Il en va de même pour l’information délivrée aux utilisateurs. Elle est considérée comme pas suffisamment claire pour que l’utilisateur comprenne que la base juridique des traitements de personnalisation de la publicité est le consentement, et non l’intérêt légitime de la société GOOGLE. Enfin, les conditions générales d’utilisation de GOOGLE ne mentionnent nulle part la durée de conservation de certaines données.
3. Absence de consentement éclairé pour la personnalisation de la publicité
Au sujet du consentement, la CNIL observe que le consentement des internautes « n’est pas suffisamment éclairé » (du fait des manquements précédents), et que des cases d’approbation sont pré-cochées par défaut (comme l’affichage des publicités personnalisées).
« Certes, lors de la création d’un compte, l’utilisateur a la possibilité de modifier certains des paramètres associés au compte en cliquant sur le bouton « plus d’options », présent avant le bouton « Créer un compte ». Il est notamment possible de paramétrer les modalités d’affichage des annonces personnalisées.
Le RGPD n’est pas pour autant respecté. En effet, non seulement l’utilisateur doit faire la démarche de cliquer sur « plus d’options » pour accéder au paramétrage, mais en plus l’affichage d’annonces personnalisées est pré-coché par défaut. Or le consentement n’est « univoque », comme l’exige le RGPD, qu’à la condition que l’utilisateur effectue un acte positif (cocher une case non précochée par exemple). «
Enfin, GOOGLE présente les conditions d’utilisation de telle façon que l’internaute est obligé de toutes les accepter en bloc. Il ne peut pas le faire au cas par cas comme l’exige le RGPD.
Comment la CNIL a-t-elle pris sa décision?
Ces manquements ne portent pas sur des points anecdotiques. Bien au contraire, ils portent sur « des principes essentiels » du RGPD. Les utilisateurs sont ainsi privés de garanties fondamentales concernant des traitements pouvant révéler des pans entiers de leur vie privée. Or, « l’ampleur des traitements en cause impose de permettre aux utilisateurs de garder la maîtrise de leurs données. »
La CNIL a aussi tenu compte de certaines particularités, comme le poids du système d’exploitation Android en France.
« Compte tenu de la place prépondérante qu’occupe le système d’exploitation Android sur le marché français, ce sont chaque jour des milliers de Français qui procèdent à la création d’un compte GOOGLE à l’occasion de l’utilisation de leur ordiphone. De même, la formation restreinte rappelle que le modèle économique de la société repose en partie sur la personnalisation de la publicité. Une responsabilité toute particulière incombe dès lors à la société dans le respect de ses obligations en la matière. »
Enfin, l’Autorité de Contrôle fait observer que cette sanction ne punit pas « un manquement ponctuel, délimité dans le temps », mais plusieurs infractions qui sont toujours en cours à ce jour. Ces infractions constituent donc des « violations continues » du RGPD. Pour toutes ces raisons, il apparaissait nécessaire à la CNIL de frapper fort. Cependant ce n’est pas le coup le plus rude que la CNIL aurait pu porter au géant du Web.
S’agit-il d’une sanction record?
La sanction de 50 millions d’euros infligée par la CNIL à l’encontre de Google constitue à ce jour la plus forte peine prononcée par la Commission. C’est aussi la première à ce niveau qui a été rendue dans le cadre du RGPD. Cependant, elle reste extrêmement modeste au regard de la puissance financière du géant du net. En effet, son chiffre d’affaires annuel s’élève à près de 110 milliards de dollars.
À travers le RGPD, la CNIL a la possibilité de prononcer des peines dont le montant peut atteindre 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent (ou 20 millions d’euros pour les organisations de plus petite envergure). L’Autorité de Contrôle doit déterminer quelle échelle il faut suivre. Elle compare les deux montants possibles et garde celui qui est le plus élevé.
Ces montants constituent un maximum. L’autorité de contrôle établit le montant de l’amende de sorte qu’elle soit dissuasive tout en restant proportionnée à l’infraction constatée.
L’amende maximum encourue par GOOGLE s’élèverait donc à plus de 4 milliards d’euros. Cette sanction apparaît donc comme extrêmement modérée.
A quelle suite s’attendre?
La firme de Mountain View ne va pas en rester là. En effet, GOOGLE a annoncé le 23 Janvier avoir décidé de contester la sanction auprès du Conseil d’Etat. Le prochain acte se jouera donc devant le Conseil d’État, la plus haute juridiction française de l’ordre administratif.
Dans un communiqué transmis à la presse, le géant du net explique avoir « travaillé d’arrache-pied pour créer un processus de consentement RGPD pour les annonces personnalisées qui soit le plus transparent et le plus simple possible. (…) Nous sommes aussi préoccupés par les effets de cette décision (…). Pour toutes ces raisons, nous avons décidé de faire appel ».
Il est clair que l’Entreprise est beaucoup inquiète des effets collatéraux de l’annonce publique de cette sanction que de la somme à payer. En effet en cas de confirmation de la décision, cela risque d’avoir des conséquences importantes. Ces conséquences porteront notamment sur sa crédibilité aux niveau de ses clients et de ses actionnaires. Les 50 millions d’euros risquent donc d’être une goutte d’eau dans les conséquences financières réelles de cette condamnation.
Vous trouvez cette sanction justifiée? Vous êtes inquiet pour vos données personnelles et l’utilisation qui en est faite par les géants de la publicité? Ou au contraire vous pensez que les GAFA (Google-Amazon-Facebook-Apple) prennent toutes les dispositions nécessaires? N’hésitez pas à réagir au travers de commentaires.